Suite aux préconisations de l’association Business Software Alliance (BSA[1]) en 2009, relatives à la responsabilité des dirigeants en cas d’utilisation de logiciels sans licence d’exploitation dans leur société, la société Fico Graphie a demandé à la société Promprint, spécialisée dans le conseil et la maintenance informatique, d’effectuer un inventaire du parc informatique et des logiciels conformément aux préconisations de BSA. Dans son rapport, Promprint indiquait avoir détecté l’installation de plusieurs logiciels de marque Adobe CS3 sans licence valable. Un constat d’huissier a ensuite établi que l’unique poste contenant lesdits logiciels sans licence était celui de M. X., salarié de la société Fico Graphie depuis septembre 2007. Ce dernier a été en conséquence licencié pour faute grave en juin 2009, pour avoir téléchargé et utilisé sur son lieu de travail ledit logiciel sans licence valable. Contestant son licenciement, le salarié a saisi le Conseil de prud’hommes.

Par un arrêt rendu le 13 septembre 2012, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a estimé que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse, au motif que le salarié a eu un comportement fautif en procédant à la modification de ce logiciel sans licence et en l’ayant utilisé, et l’a en conséquence débouté de sa demande de dommages-intérêts pour licenciement injustifié. La faute grave du salarié n’a donc pas été retenue par les juges du fond en l’absence de preuve de l’installation initiale par ce dernier dudit logiciel, puisqu’en l’occurrence à la date du téléchargement incriminé, le salarié se trouvait à l’étranger.

Partant, ce dernier a décidé de se pourvoir en cassation.

Par un arrêt de cassation partielle avec renvoi du 16 juin 2015, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule, au visa de l’article 455 du Code de procédure civile, la décision de la Cour d’appel en ce qu’elle a dit le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu’elle a débouté le salarié de sa demande de dommages-intérêts à ce titre. Sur le fondement du principe selon lequel le défaut de réponse aux conclusions constitue le défaut de motifs, les Hauts magistrats reprochent aux juges du fond de ne pas avoir répondu aux conclusions du salarié qui soutenait que l’utilisation du logiciel litigieux s’était faite au vu et au su de son employeur et même à sa demande. La Haute juridiction estime donc que la Cour d’appel aurait dû rechercher si l’employeur avait toléré ou incité l’utilisation du logiciel en cause.

Par conséquent, il semble que l’utilisation et la modification d’un logiciel sans licence d’exploitation par un salarié sur son lieu de travail peut constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, à condition que l’employeur n’ait pas toléré ou incité cette utilisation frauduleuse.

 

 

[1] Association regroupant de grands fabricants de logiciels propriétaires, et ayant pour activité la lutte contre la contrefaçon des logiciels.